Marasme des Oréades.

Marasme des Oréades possède une mentalité plutôt infantile. D’une nature joueuse et espiègle, elle aime s’amuser et relever des défis. Son tempérament curieux et impulsif la pousse parfois à faire des choses téméraires et irréfléchies. Elle a tendance à vouloir foncer tête baissée, et se trouve souvent dans des situations périlleuses. Mais lorsqu’elle doit faire face au danger, la femelle sait faire preuve de beaucoup de courage et d’ingéniosité. Joyeuse et optimiste, elle aime quand ça bouge et déteste l’ennui. Elle est souvent en train d’exhorter les autres d’aller plus vite, alors qu’elle-même a toujours une longueur d’avance. Cette énergie débordante peut vite devenir agaçante pour son entourage ; mais il est très utile de l’avoir à ses côtés lorsqu’il s’agit de redonner du courage ou de réconforter ses camarades. Cependant, elle n’est pas née de la dernière pluie. Elle ressemble un peu à un champignon vénéneux, en apparence inoffensif, mais en réalité dangereux et empoisonné. Loin d’être une charmante boule de poils innocente, Marasme peut s’avérer être une vraie peste dans certaines circonstances. Elle est capricieuse, et n’hésite pas à mentir et manipuler pour obtenir ce qu’elle veut, par tous les moyens ou presque. En cela, Marasme possède une détermination farouche. Quand elle veut, c’est qu’elle peut.

Chapitre 1 : Un champignon minuscule.

C’était une belle soirée d’automne. Le chant des criquets dans les hautes herbes berçait doucement le camp endormit. Des lucioles virevoltaient autour des tanières et de la pouponnière, portés par une brise légère. L’une d’elles vint se poser sur le sol, à côté d’une ronde de champignons. Au milieu de ce cercle, un minuscule chaton beige pâle et roux clair se pressait contre le flan de sa mère. Sa petite tête remuait doucement tandis que la jeune reine léchait tendrement son pelage humide. De la ronde des sorcières qui l’entourait s’émanait un parfum agréable. La lumière de la lune éclairait chaque champignon qui la formait. Des marasmes, songea Pelage d’Épices, ronronnant de bonheur. La mise à bas avait été inattendue et difficile, mais sa fille avait survécut. Elle était déjà robuste, malgré son jeune âge. Regardant autour d’elle les petites taches beiges qui mouchetaient l’herbe, la nouvelle maman décida de l’appeler Patte de Marasme. Un nouveau chaton était né au sein du Clan de la Rivière.

Chapitre 2 : Un champignon hardi.

Patte de Marasme grandissait à vue d’œil, comme pousse les champignons. Elle commença à découvrir le monde, et la joie de vivre étincelait dans son regard curieux de tout. A l’âge de six mois, elle devint une apprentie talentueuse et volontaire, qui avait soif d’apprendre et de faire ses preuves. Elle était toujours en mouvement et ne s’arrêtait presque jamais. Dès qu’elle rentrait de son apprentissage, elle profitait de son temps libre pour continuer de s’entraîner seule, sans relâche, jusqu’à la nuit tombée. Sa mère et son mentor étaient fiers, et elle-même l’était encore plus. Néanmoins, quand son mentor l’emmena pour la première fois jusqu’au torrent nacré qui traversait les territoires du clan de la Rivière, Nuage de Marasme commença à se comporter anormalement. D’ordinaire surexcitée à l’idée d’apprendre de nouvelles choses, elle semblait au contraire hésitante, restant à une distance craintive de la rive. Lorsqu’on voulait lui apprendre à nager ou à pêcher, elle se cherchait aussitôt ses excuses, prétextant un mal de ventre ou une indigestion, et filait directement chez le guérisseur pour y rester jusqu’au couché du soleil. Il ne fallut pas longtemps pour que son mentor comprenne où était le problème. La rumeur se propagea rapidement dans tout le clan, et elle fut bientôt la risée de tous : une novice du Clan de la Rivière qui avait peur de l’eau !

La fierté de son mentor se transforma en exaspération. Il tenta à plusieurs reprises de la convaincre de se mettre à l’eau, sans succès. Bien qu’elle niait sa peur, Nuage de Marasme refusait avec obstination de s’approcher de la rivière. Il y avait en particulier un jeune apprenti du nom de Nuage d'Embrun, qui prenait un malin plaisir à se moquer d’elle. Il trouvait toujours l’occasion de lui lancer des remarques narquoises et blessantes. Lui-même était un excellant nageur - il le savait, et ne manquait jamais de le faire remarquer. Il croyait que jamais personne ne pourrait le battre dans ce domaine.

Chapitre 3 : Un champignon coriace.

Un jour, plusieurs guerriers décidèrent d’emmener leurs apprentis ensembles à la rivière. Celui de Nuage de Marasme les accompagnèrent, mais cette dernière fut abandonnée sur la terre ferme. La novice était désespérée d’être laissée de côté, mais sa crainte irraisonnée de l’eau l’empêchait de s’approcher davantage. Elle approchait de ses dix lunes, et était devenue une belle et jeune femelle au poil long et soyeux. Comme d’habitude, elle observait depuis la berge les autres nager et chasser le poisson, ses yeux ambres ternis par l’ennui. Mais un événement inattendu survint. Le vent se leva soudain. Ils se trouvaient à l’un des endroits les plus profonds de la rivière, et les mentors n’avaient pas prévu que le courant serait aussi fort. Quoi qu’il en soit, Nuage d'Embrun s’était éloigné, sans doute pour montrer à quel point il était doué pour la nage. Mais lorsqu’il essaya de revenir vers la rive, il fut surprit par le courant. Il fouetta l’eau de toute la force de ses pattes pour essayer d’avancer, mais ne parvenait qu’à faire du sur place. Soudain paniqué, il tenta de crier pour appeler à l’aide, mais il but la tasse dès qu’il ouvrit la bouche. Les mentors n’avaient encore rien remarqué, trop occupés à rassembler les autres apprentis dispersés. Suffocant, s’étranglant à moitié, Nuage d’Embrun lutta autant qu’il le pouvait contre le courant qui l’emportait inévitablement, l’éloignant davantage encore. La raideur finit par s’emparer de ses muscles, et il se sentit couler à pic, impuissant.

Soudain, il y eut un « plouf » discret, et quelque chose le saisit par la peau du cou. A moitié inconscient, il sentait qu’on l’entraînait vers la rive. Lorsqu’il leva les yeux vers son sauveur, il fut frappé de stupeur : Nuage de Marasme s’était jetée à l’eau pour lui venir en aide. La mâchoire refermée sur son cou, les yeux plissés par la concentration, elle le tirait de toutes ses forces, nageant à contre-courant. Les vagues la ballottaient de tous les côtés ; parfois, elle était totalement submergée, et devait faire des efforts inimaginables pour garder la tête hors de l’eau, tout en portant son fardeau. Les autres chats s’étaient rendus comptes de la situation, et ils lui criaient des encouragements, n’osant plonger eux-mêmes, tandis qu’elle se rapprochait lentement du bord, à force de vigoureux coups de pattes et de volonté. Nuage de Marasme finit par se hisser sur le rivage, hors d’haleine, trempée et épuisée. Gisant à côté d’elle, sa fourrure grise plaquée contre son corps, mais sain et sauf, Nuage d’Embrun lui murmura un remerciement, et s’excusa pour toutes les choses méchantes qu’il lui avait dites.

La détermination et le courage de Nuage de Marasme fut louée dans tout le clan. Quant à elle, jamais on ne vit novice plus heureuse. Elle était parvenue à vaincre sa peur de l’eau par instinct, et en était même venue à l’apprécier. Plus tard, elle fut nommée guerrière, et obtint son nouveau nom - Marasme des Oréades.